Question de Laurette Onkelinx à Charles Michel, Premier ministre, sur les nouvelles mesures anti-sociales du Gouvernement

Monsieur le président, monsieur le premier ministre, chers collègues, à nouveau, des dizaines de milliers de personnes sont dans les rues de Bruxelles. Ce défilé, ils le font à un moment important. Dans quelques jours, vous allez décider des mesures de politique économique et sociale pour l'année 2017.

 

Je sais bien que vous êtes dans un moment difficile: croissance en berne, licenciements collectifs massifs, comme ceux, insoutenables, de Caterpillar, un trou budgétaire catastrophique et l'impression, surtout, que vous n'arrivez pas à maîtriser le budget.

 

Et puis surtout, les citoyens savent qu'ils ont déjà énormément donné. Ils ont donné, et ils n'ont pas oublié, ils le rappellent sans cesse, avec le saut d'index; ils ont donné parce que vous avez décidé d'économies très importantes dans la sécurité sociale, les taxes sur la consommation, l'augmentation du prix de l'électricité, et j'en passe, évidemment, et des meilleures. M. Leemans, ce matin, disait qu'en moyenne, un ménage a perdu quelque 1 000 à 1 200 euros par an suite à vos choix de mesures.

 

Et ce n'est manifestement pas fini, puisque les journaux nous servent actuellement toute une série d'éventuelles nouvelles mesures. C'est une nouvelle augmentation des taxes sur la consommation avec la TVA; c'est enlever le caractère d'assurance du chômage pour en faire de l'assistance sociale; c'est, pire encore, faire payer les malades avec une augmentation du prix des médicaments.

 

Aujourd'hui, je ne vous demanderai pas quelles mesures vous avez prises ou comptez prendre. Vous n'avez pas encore décidé. Mais ce que je cherche, c'est un engagement de cesser de prendre les citoyens pour des pigeons taxables à souhait et d'oser chercher là où il se trouve l'argent, les moyens de combler notre déficit. C'est en quelque sorte, monsieur le premier ministre, votre responsabilité de réconcilier le pays. Je dirais même, c'est votre devoir.

Réponse de Charles Michel

Monsieur le président, chers collègues, je remercie, comme à chaque fois, tous les intervenants. C'est la vitalité du débat démocratique et cela montre qu'une conviction est partagée sur tous les bancs, du moins je l'espère: la volonté de réussir un projet de relance de l'économie par la création d'emplois, même si les chemins pour y parvenir sont différents.

 

Il est vrai, monsieur Hedebouw, que je ne crois pas que Cuba, la Corée du Nord ou l'Union soviétique soient des modèles de succès sur le plan économique, social, ni sur celui des libertés. Cela étant dit, notre responsabilité en tant que gouvernement consiste à travailler pour tenter de renforcer notre économie et de mettre notre pays en ordre. C'est l'ambition affirmée de cet accord de gouvernement.

 

Je veux d'emblée indiquer que les travaux budgétaires sont importants. Mettre progressivement nos finances publiques en ordre, s'orienter vers l'équilibre budgétaire est essentiel. Ce n'est pas un exercice facile. Il y a une dizaine de jours, par exemple, le Bureau du Plan a révisé des projections macro-économiques, à concurrence d'une réduction de 0,3 % de la croissance pour 2017. L'impact sera d'un gros milliard d'euros, dans l'effort à faire pour 2017. Pourquoi? Essentiellement parce que le Bureau du Plan, comme d'autres institutions internationales, a pris en considération le vote sur le Brexit. C'est donner beaucoup de pouvoir et d'influence à Johan Van Overtveldt que de considérer qu'il serait responsable du vote sur le Brexit et de ses conséquences sur le budget de 2017. Premier point.

 

Deuxième point, nous allons évidemment travailler pour tenter de mettre ce budget sur les rails. Conformément aux exigences, nous serons en ordre le 11 octobre pour présenter la déclaration et les axes du budget. Nous l'adresserons le 15 octobre à l'Europe, comme prévu. Nous aurons bien sûr un débat approfondi, non pas sur des rumeurs, des fuites, des suppositions ou des spéculations, mais sur la base des décisions prises par un gouvernement. Je propose que l'on ne mette pas la charrue avant les bœufs et que l'on travaille avec la méthode requise.

À côté de l'assainissement budgétaire, nous prenons résolument l'engagement de mener les réformes structurelles qui sont indispensables pour soutenir la création d'emplois. Le tax shift en constitue un bon exemple: un net allègement des taxes sur le travail se traduit par des résultats concrets.

 

Je peux respecter le fait que, dans l'opposition, on dise que "ce n'est pas le bon chemin", que "ce ne sont pas les bonnes solutions", "qu'il faut une économie plus collectiviste, plus étatisée". Je peux respecter que ce soit le point de vue sur une part des bancs de l'opposition.

 

Je voudrais toutefois indiquer que ces réformes structurelles – et je le dis avec la plus grande sobriété – délivrent un certain nombre de résultats qui ne sont pas contestables parce qu'ils sont consolidés par le Bureau du Plan, par la Banque nationale. Je vous donne quelques exemples. Nous avons, depuis octobre 2014, créé 76 000 emplois, 50 000 dans le domaine privé, quand sous la précédente législature 7 000 emplois ont été détruits, supprimés.

 

Les dernières données sur les investissements privés montrent une croissance en 2016 de 11,7 % des investissements privés. Les exportations sont en hausse de 5,4 %. Au Forum économique mondial, nous gagnons deux places. Ce n'était plus arrivé depuis les cinq dernières années. Que cela vous plaise ou pas, 76 000 personnes, qui ne travaillaient pas hier, travaillent aujourd'hui. C'est plus de pouvoir d'achat. C'est plus de liberté. C'est moins de pauvreté pour des familles, pour des dizaines de milliers de familles.

 

Je vais conclure en indiquant que nous avons beaucoup de respect pour les inquiétudes et préoccupations exprimées par les travailleurs. Ils veulent plus de pouvoir d'achat; ils ont raison. Nous voulons continuer à y travailler: + 2 % selon le Bureau du Plan et la Banque mondiale. Nous allons poursuivre les efforts.

Les investissements stratégiques constituent un aspect important de notre approche globale en matière de création d’emplois et de soutien à notre économie.

 

Et donc, je vais encore une fois, comme je le fais depuis deux ans avec ténacité et obstination, répéter qu'il y a une grande ouverture avec les partenaires sociaux pour voir comment nous pouvons améliorer et renforcer la capacité de croissance économique; mais il y a aussi une grande volonté de continuer à agir pour rendre notre pays plus moderne, plus solide sur le plan économique et en situation de pouvoir réellement financer les défis de demain en matière de protection sociale, de soins de santé et de financement des pensions. Je vous remercie.

Réplique de Laurette Onkelinx

Monsieur le premier ministre, je voudrais d'abord dire un mot à M. Clarinval.

 

Monsieur Clarinval, j'ai trouvé votre intervention d'une violence rare, car elle exprimait du mépris pour les manifestants et pour les travailleurs. Vous avez dit: "Caterpillar, c'est l'arbre qui cache la forêt". Que croyez-vous que se disent à cet instant les travailleurs d'ING, d'IBM, d'AXA, d'Ethias, de P&V, j'en passe et des meilleurs?

 

Quel est donc ce mépris pour le monde du travail? C'est insupportable!

 

Monsieur le premier ministre, avouez que, dans votre réponse, vous ne nous avez guère laissé d'espoir. Nous savons que les travailleurs sont inquiets des mesures que vous êtes en train de préparer avec M. Peeters: la loi sur les 45 heures; mais aussi, encore une fois, la volonté de s'attaquer aux travailleurs, qui ont déjà eu droit au saut d'index et dont le salaire risque d'être corseté via une révision de la loi de 1996.

 

À présent, c'est l'ensemble de la population, des plus jeunes aux plus âgés, qui manifestement doit s'attendre à une diminution de son pouvoir d'achat.

 

Monsieur Michel, vous êtes occupé, brique par brique, à détruire le modèle social que nous avons patiemment édifié. L'OCDE a estimé en effet que, malgré les injustices subsistantes, ce modèle a permis à notre pays, avant l'entrée en fonction de votre gouvernement, de connaître la situation de bien-être la plus exemplaire au monde.

 

Je vous dirai simplement ceci. Être au pouvoir est une chose, mais l'exercer dans le respect de tous les citoyens, avec une attention particulière aux plus faibles d'entre eux, est une autre histoire. J'ai l'impression que vous avez encore bien du chemin à faire!