Question de Stéphane Crusnière à Didier Reynders, ministre des Affaires étrangères, sur la situation en RD Congo

Monsieur le président, monsieur le ministre, la République démocratique du Congo est un partenaire essentiel de la Belgique, d'un point de vue historique et socioéconomique, mais aussi dans le cadre de la francophonie. Dès lors, c'est avec d'autant plus d'inquiétude que nous voyons ces derniers jours la situation sur place s'aggraver, avec des affrontements meurtriers entre forces de l'ordre et manifestants contre le pouvoir du président Kabila.

 

L'avenir semble bien sombre, si rien ne change. La population dans son ensemble, et la société civile congolaise, est inquiète. Je le suis aussi, comme j'ai déjà pu l'exprimer au sein de cette assemblée, mais aussi au sein de l'union interparlementaire où je préside la section Belgique-RDC.

 

Mon groupe condamne le plus fermement ces violences meurtrières ainsi que les incendies du siège des partis de l'opposition. Ces violences prennent place dans un contexte lourd, qui tend encore à s'aggraver depuis le 19 septembre dernier, en l'absence d'un calendrier électoral crédible pourtant prévu par la constitution congolaise.

 

Cette situation, cette remise en cause des délais et des prescrits constitutionnels, ne peuvent être un état de fait que la Belgique, l'Union européenne et la communauté internationale se contentent d'observer au balcon, ainsi d'ailleurs que notre assemblée.

 

Dès lors, monsieur le ministre, j'aimerais vous poser les questions suivantes. Quelle analyse faites-vous de la situation actuelle en RDC tant d'un point de vue sécuritaire que politique? Quels retours avez-vous de notre poste diplomatique sur ces violences meurtrières, le calendrier électoral et les tractations politiques en cours? Quelles initiatives bi- ou multilatérales le gouvernement compte-t-il prendre dans ce contexte lourd? Quelles seront les conséquences ou éventuelles sanctions qui pourraient être prises? Quelles pourraient être les conséquences de cette situation, en fonction de son évolution, sur la stratégie 3D de notre pays vis-à-vis de la RDC? Enfin, quelles sont les mesures prises vis-à-vis de nos ressortissants sur place? Je vous remercie.

Réponse de Daniel Bacquelaine

Monsieur le président, nous sommes tous terriblement préoccupés par la violence qui sévit en République Démocratique du Congo ces derniers jours.

 

Le ministre des Affaires étrangères a non seulement témoigné de sa solidarité avec les victimes mais il a également rappelé que le droit de manifester pacifiquement est le corollaire de tout processus démocratique.

Une enquête devrait être organisée rapidement pour élucider les événements survenus en début de semaine. S’il est question d’usage disproportionné de la violence par les services de sécurité, la responsabilité individuelle des personnes concernées devra être établie, avec toutes les conséquences que cela implique. L’UE devra également tirer les conclusions qui s’imposent.

 

Les manifestations et les violences de cette semaine font suite à la non-convocation des élections présidentielles dans le délai prévu par la commission électorale nationale indépendante. Il est nécessaire que le calendrier électoral soit connu au plus vite et que le report des élections présidentielles et législatives soit aussi court que possible. L'organisation d'élections régulières constitue en effet le fondement de tout système démocratique. Les faits rappellent l'extrême urgence de parvenir à la conclusion d'un dialogue politique inclusif, crédible et qui respecte les principes constitutionnels ainsi que la résolution 22/77 du Conseil de Sécurité de l'ONU. Il faut tout tenter pour avoir un vrai dialogue, réellement inclusif, impliquant les principaux acteurs de la crise congolaise.

 

En réponse à vos questions sur le financement des élections, la Belgique est bien entendu toujours disposée, comme d'autres partenaires internationaux, à soutenir un processus crédible et transparent avec un budget sérieux. Tout financement sera conditionné par le respect des standards internationaux, y compris sur le plan du respect des droits et des libertés. Les modalités de financement sont en effet évoquées avec nos partenaires internationaux.

 

La RDC est au centre de bien des réunions. La Belgique joue un rôle moteur afin de sensibiliser la communauté internationale à l'urgence de cette situation, et afin de susciter une approche commune. Ainsi, le ministre des Affaires étrangères a reçu ce vendredi 19 septembre à Bruxelles le groupe des envoyés spéciaux pour la région des Grands Lacs en Afrique centrale. Lors de cette réunion, il a évoqué la situation politique en RDC et le dialogue qui est en cours. À New York, il a participé à d'autres réunions sur le sujet avec les acteurs internationaux impliqués.

Des concertations sont actuellement menées à l'échelon de l'UE afin de voir comment celle-ci pourrait influer sur la situation. La semaine dernière en séance plénière, le ministre des Affaires étrangères a déjà évoqué la résolution de la Chambre. Lors de la présentation de la note sur l'Afrique centrale, il précisera les suites qui lui ont été réservées.

 

Vu son degré d'implication dans ce dossier, le ministre tiendra à vous informer personnellement des derniers développements.

Le retrait de l'ambassadeur du Congo ne nous a pas été notifié officiellement. Au vu de la situation intérieure, diverses raisons peuvent expliquer son absence.

Réplique de Stéphane Crusnière

Merci monsieur le ministre pour vos réponses; avant toute chose, je voudrais rappeler que la soif de démocratie et les attentes socio-économiques du peuple congolais sont légitimes. Nous ne pouvons accepter les intimidations de défenseurs des droits de l'homme, ni la répression disproportionnée et violente des mouvements pacifiques.

 

Effectivement, la solution doit avant tout venir des forces vives congolaises, évidemment dans le respect de la Constitution. Toutefois, nous avons un rôle à jouer, monsieur le ministre, car dans ce dossier, la voix de la Belgique compte. Nous demandons donc à la diplomatie belge de mener toutes les démarches utiles afin de permettre la mise en place d'un processus effectif de dialogue politique en RDC, qui soit le plus inclusif possible, comme vous l'avez précisé.

 

Ce dialogue doit déboucher, dans un délai le plus rapproché possible, sur l'organisation de scrutins prévus par la Constitution. Enfin je terminerai, monsieur le président, en demandant, dans ce contexte, que la diplomatie parlementaire soit aussi pleinement effective, et que des décisions formelles soient prises en ce sens par notre assemblée, et notamment en termes de suivi de ce processus électoral. Je vous remercie.